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LE CRÂNE EMBRYONNAIRE

William Chattaway

du 25 avril au 11 juillet 2015

« Sculpteur anglais installé en France depuis 1950, William Chattaway a consacré de nombreuses années – en plusieurs périodes – à l'étude obstinée du crâne humain, depuis les innombrables variantes des années 60-70 jusqu'aux crânes embryonnaires récents (2006-2013). C'est cette dernière série qui est privilégiée dans l'exposition, soit la presque totalité des 40 sculptures (plâtres ou terres cuites) et une sélection d'œuvres sur papier (dessins souvent repris à la gouache ou au lavis). Pour Chattaway, le crâne doit être regardé d'une manière « simple, directe et objective » et délivrée de nos angoisses, afin qu'il soit considéré pour lui-même, tel un coquillage. « Lorsque l'on observe sa structure, on va de l'intérieur vers l'extérieur, du plus proche au plus lointain, sans interruption. Dans son entièreté, il est en même temps opaque et transparent… C'est une fin et aussi un commencement. Un objet intensément humain…
Le dessous du crâne est comme la naissance du monde. » (Notes d'Atelier, 1966)

« Ils sont quarante, disposés sur deux niveaux d'un socle blanc imposant en forme de mastaba, occupant l'espace central de la salle d'exposition. Petits. Ils tiendraient dans la paume. Délicatement formés ou à peine ébauchés, quarante crânes. Peints en gris, ocres ou blanc, parfois surlignés de bleu, en terre cuite, en plâtre, quarante crânes embryonnaires, la synthèse de sept années de pratique du sculpteur William Chattaway. Déclinés dans tous leurs états, de la motte pleine en passant par des polyèdres, jusqu'à ces sculptures plus figuratives dont les calottes aux angles émoussés et arrondis, en léger surplomb, suggère l'expansion, une enveloppe non encore totalement incorporée, venant coiffer le dessus des crânes les plus élaborés. Leurs orbites sombres leur confèrent des allures de gardiens d'on ne sait quel tombeau…
… Dans la modulation du blanc au gris jusqu'au noir, William Chattaway réfléchit le devenir de la forme dans sa progression à travers la géométrie, et la laisse en suspens. La terre et le plâtre, dans leur plasticité, transforment le sujet "crâne" en creuset de questions autour du dehors et du dedans, du dessus et du dessous, de la gauche et de la droite et le sculpteur en maître d'un jeu sérieux. Le nombre et les variations obéissent à des règles incontournables; les crânes, singuliers, individués, renvoient aux développements de la pensée sur l'Un et le multiple et aux lois de la complexification. Les crânes embryonnaires gardent du travail de consolidation de la forme des traces de leur conception; ils tendent vers des figures où les angles s'adoucissent sans disparaître. Abstraire tout en sophistiquant, entre arêtes et arrondis, concaves et convexes. Multiplier les variations comme autant de possibles. William Chattaway avait déjà fait du coing un de ses motifs récurrents. De même que le coing présente une surface dense, non lisse, dont la forme se modifie au fur et à mesure de sa maturation, ainsi ces crânes ne sont pas homogènes; ils portent dans leur phase ultime la trace de la motte dont ils sont issus. Cette matière contient une part d'information qui lui est consubstantielle et dans ses développements, toute la potentialité d'un crâne humain mais aussi tout ce qu'il faut d'humanité au sculpteur pour faire surgir de l'informe la dynamique qui la pousse vers la figuration du crâne. Cela se passe dans un monde d'avant la parole, dans un processus de gestation. Faut-il aller jusqu'à évoquer un humour pince-sans-rire par lequel l'artiste se substituerait à un démiurge jouant à combiner les éléments primordiaux d'une modélisation éprouvée se développant selon une logique imparable mais qui reste au seuil de l'achèvement, juste avant de prendre vie. Quelque part, dans les limbes. »


Extrait du texte de Michèle Waquant « Rêver les limbes » (juin 2015)
William Chattaway est représenté par la Galerie Olivier Nouvellet, à Paris.
www.cercleoliviernouvellet.com